08/09/2024
Tarzanide n° 612
TONNERRE JACK
L’après-midi s’obscurcissait … vous pouvez croire que les gros nuages sombres devenaient trop lourds à supporter pour le ciel. On percevait aussi comme un rampement orageux au loin.
Ma grand-mère qui gardait un accent campagnard m’appela dans la rue caillouteuse qui conduisait jusqu'au lavoir municipal de Chenérailles en Creuse. « Rentre ! Rentre ! Tu entends bien que ça va tonner ».
Je me rapprochais. « Tu te rappelles quand tu étais petit je te disais que ce bruit venait du diable qui roulait ses tonneaux au-dessus de nos têtes ».
Le diable était donc un paysan vendangeur ?
Les foudres, les tonnerres de Zeus pouvaient alors tenir dans un personnage de BD baptisé THUNDER Jack. Je venais de le connaître dans un petit mensuel qui répondait au titre : P’TIT-GARS, n° 3 année 1952 (j’ai vérifié).
Disons le tout de suite : ce Thunder Jack ne bénéficia jamais d’une grande réputation auprès des écoliers de mon âge. Peut-être cet échec était-il dû à son éditeur Pierre Mouchot puisque l’identité de ce héros ne figura qu’une seule fois comme titre d’un journal de BD. Aussi resta-t’il confiné modestement dans des revues dépendantes de la SER (Société Éditions Rhodaniennes).
Ses aventurlures furent principalement éditées dans RANCHO Spécial et Humo RANCHO. Et comme on le vérifie sur les illustrations, Thunder Jack porte l’uniforme rouge de la célèbre police montée canadienne. En cela il semble avoir voulu rivaliser avec KING, série américaine BD qui le précéda.
I
Jacques Tonnerre, pardon : Thunder Jack disparut en France en même temps que disparurent les Éditions Rhodaniennes. Quant à Pierre Mouchot grand bagarreur de la BD française en lutte contre les censures imposées par la Loi 1949, il quitta notre monde à 55 ans, le 19 avril 1967.
Résistant contre l’occupation nazie en Ardèche, il résista aussi contre tous ceux et toutes celles qui croyaient pouvoir avilir la BD pendant la décennie des années 50 en France.
Bar Zing
16:15 Publié dans Arts, BD, BD anciennes, Blog, Fanzine, Grenier de la BD, Journaux, Tarzanides | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : thunder jack, pierre mouchot, chott, éditions rhodaniennes, rancho spécial, fantax, black boy, tarzanide du grenier, bandes dessinées de collection, bar zing, montluçon
23/11/2013
BD du grenier du 23-11-2013
KING
KING mais pas GONG.
Couverture du numéro 28 (Anne née 1951) de la BD américaine « Le Roi de la Police Montée » en son interprétation pour les indigènes français. Éditeur S.A.G.E. dans une de ses séries mensuelles « Grand Nord ». De cette collection me manquent les neuf premiers numéros, ainsi que les 11 derniers. Les dessins signés Jim Gary sont parmi les plus recherchés du genre, d'autant que Fred Hartman, créateur du grand cow-boy rouquin RED RYDER, participa à l'élaboration de l'imagerie.
Remarquez qu'ici la censure socialo-catholique a encore frappé, généralisée qu'elle fut jusqu'au milieu des années 1960. Le revolver a été escamoté, gouaché à la sortie du poing de KING. L'index tendu remplace, suggère le canon de l'arme disparue. Ainsi faisait-on pendant les jeux de l'enfance où l'on criait « Pan ! Pan ! t'es mort ! » en direction du petit copain.
King, « montee » de la police canadienne possède une aptitude rare. Rare et enviable. Il est capable de parler sans ouvrir sa bouche. Et sans être ventriloque (tout ventriloque remue discrètement des lèvres). Il ne s'agit pas non plus chez lui d'un don de surhomme ; il ne s'agit que d'une mésalliance entre le dessin et le texte.
Bouche cousue,
parole en l'air
Autre caractéristique de ce héros : il est certainement le plus malmené de tous. Blessé, brûlé, jambe cassée ou épaule déboîtée, avec des pansements ou des béquilles, KING ne survit souvent que grâce à l'aide improvisée de jolies filles. Parfois même, celle d'une voleuse ou d'une meurtrière. Bel homme, sa peau ne vaut pourtant que le prix que lui accorde l'aventurière en voie de repentance.
Du masochisme là-dedans. Pas pour se retrouver giflé, fouetté, mordu, souillé … Mais pour devenir l'objet d'attentions maternelles. Le simulacre pratiqué par l'enfant qui fait semblant : d'être malade et qui joue à faire croire qu'il est victime. Pour s'attirer protection et caresses de la part d'une personne dont il vérifie ainsi la fidélité, avec un égoïsme d'animal chez qui les sensations de l'estomac ont plus d'importance que les idées de la cervelle. Tout l'érotisme selon l'enfance : feindre de souffrir pour recevoir en guise de soins la proximité d'un épiderme féminin souhaité plus sexy que celui d'une vraie mère.
Ayant connu le succès sur les deux bords de l'Atlantique, KING inspira des imitateurs. Parmi eux un produit français dérivé d'un roman populaire italien : THUNDER JACK, illustré par Ferri-Ferra ou Ferri-Gallieno et qui terminera en signant Fergal. La S.E.R fondée par Chottard-Fantax en assura la distribution auprès d'un jeune public.
Image de gauche extraite de Thunder Jack, numéro spécial de 68 pages dont il occupe 48 pages. Le héros ne s'ennuie jamais.
Image de droite dessinée par R. Oret, mars 1956 dans Rancho Spécial. Une des rares images à avoir échappées à la censure.
Aujourd'hui, KING a cessé d'exister. Sauf dans la mémoire de vieux grognards dont il distraya par ses exploits fictifs certaines années d'école bien éloignées d'être sérieuses.
Docteur Jivaro
19:16 Publié dans Arts, BD, Fanzine, Grenier de la BD, Journaux, Livre, Media, Moeurs, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bandes dessinées, bd, king, fergal, fred hartman, editeur sage, jim gary, thunder jack, rancho, donald, tarzan, tarzanides
23/03/2013
Les Tarzanides du grenier (n° 27)
DANN
Que faire d'un après-midi pluvieux provincial ? Pour mon goût c'est re-feuilleter de vieilles BD, souvent celles de mon enfance populaire montluçonnaise.
Le jeudi, les copains du quartier envoyaient leur ballon contre la porte de la maison, rien que pour m'obliger à mettre le nez à la fenêtre. « Allez, on y va, viens ! On va au Champ de courses jouer au foot ! ».
Le « Champ de courses » c'était l'ancien hippodrome disparu, ayant laissé son espace à l'aérodrome d'à présent. C'était, c'est encore Villars pour moi. Sur ce sujet, mon grand père racontait ce qu'il avait retenu de ses parents : autrefois, au temps de Napoléon III, il y avait un étang. Je n'en doutais pas : à certains endroits, en contre bas de la voie ferrée en direction de la ville, la terre envahie d'herbes sauvages, demeurait assez molle sous nos sandales. On pouvait même encore y arracher des touffes de jonc.
Aller jouer au foot ? Je refusais de temps en temps, inventant quelque mensonge. Par exemple : que ma mère allait m'emmener chez le médecin.
-
T'es malade ?
-
Non. Mais tous les trimestres elle m'y emmène une fois.
-
Alors ça fait deux fois déjà ce mois qu'elle t'y emmène, eh !
Moi, le foot, je n'appréciais pas des masses. Je préférais le judo. Je fréquentais « La Montluçonnaise », Quai Louis Blanc, et sans m'être du tout inscrit aux entraînements.
Cette semaine, j'ai retrouvé dans un gros carton débordant de feuilles illustrées un titre de BD édité tout au début des années 50 de 1900. Un titre commercialisé par CHOTT. C'est un spécial Jacques Tonnerre américanisé en THUNDER JACK pour épater les gamins d'une France d'après guerre. Une France rendue convalescente par le dollar, oui camarade Thorez.
THUNDER JACK, 64 pages de BD et 4 pages de couverture dont une seule peinte de jaunes et de rouges, signée personnellement CHOTT.
Entre deux aventures, l'une du cavalier canadien de la police montée, et l'autre de l'impétueux BIG BILL LE CASSEUR, j'ai relu l'épisode sans lendemain d'un tarzanide bien discret : DANN.
Quand l'historiette débute, DANN est enfant. A la fin il est homme. Tout ça en sept pages, pas une de plus. DANN se déplace à dos d'éléphant et tue les lions. Il ne porte qu'un petit pagne pour cacher son zizi. C'est donc bien un tarzanide culotté par la civilisation, laquelle construit des villes pour ensuite les détruire.
DANN sauve une jeune fille brune qui, à son tour le sauve du poignard d'un sorcier vindicatif nommé YOGOYA. Ne cherchez pas plus loin : c'est terminé. Bien sûr vous pouvez imaginer un mariage prochain à l'eau de rose, mais... mais apprenez que DANN et Laure sont en réalité frère et sœur ! D'où pas question d'une étreinte sexuelle réglementaire, c'est à dire autorisée par le maire et le curé (en attendant l'approbation musulmane). L'inceste demeure tabou, c'est pourquoi des gens d'apparence vertueuse le pratiquent en cachette.
Le spécialiste Gérard Thomassian dans le tome III de son encyclopédie BD des petits formats, indique que le tarzanide DANN fut dessiné par André Rey.
André Rey s'abritait sous le pseudonyme de Carland. Il participa à trois des derniers numéros consacrés à un autre tarzanide, fameux celui-ci : TARGA.
Bien des images dans DANN sont produites à partir d'extraits de films américains ayant Johnny Weissmuller pour vedette dans le rôle de TARZAN.
Sur la photo ci-dessus, déplacez mentalement vers la gauche la jeune femme, et remplacez le rhino-féroce par un lion bondissant, vous obtenez le modèle du dessin d'André Rey.
Docteur Jivaro
18:20 Publié dans Arts, BD, Cinéma, Film, Grenier de la BD, Journaux, Media, Société, Tarzanides | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd, bd anciennes, tarzan, tarzanides, choot, andré rey, gérard thomassian, thunder jack, johnny weissmuller, bd de collection, illustrés pour enfants