15/05/2016
Dimanche, jour du Seigneur n° 10
Additionnant nos âges, Collette et moi étions parvenus à 18. Neuf ans pour elle, neuf ans pour moi. Égalité, parité. Sauf qu’elle venait de novembre quand moi je venais de décembre et qu’à présent encore je viens toujours du dernier mois de l’année … Alors qu’elle, Collette, est partie définitivement depuis pas mal de tours de terre autour du soleil.
Fils unique que je suis, je n’enviais pas Colette dont la grande sœur …
- Dont la grande sœur ?
- Elle est assmatique. Elle a de l’assme. C’est pourquoi mes parents ne veulent pas qu’elle sorte jouer.
Cet asthme devait être carabiné : la grande sœur disparut avant d’avoir atteint 16 ou 17 ans, je ne sais plus précisément.
Je connaissais bien Colette. Je connaissais aussi mais en moins bien une Nicole. Colette, Nicole. Il devait y avoir quelque chose de collant chez nos amies les filles.
Tout en avançant, Colette et moi bavardions avec beaucoup de précipitation dans nos phrases. En somme nous rivalisions mais en toute sympathie à savoir lequel des deux serait plus plaisant à se faire entendre de l’autre.
Je me rappelle que nous étions stoppés en bordure du trottoir avant de traverser la rue longeant la « maison des curés ». Notre arrêt ne se motivait pas par le passage de bagnoles folles comme des têtes d’automobilistes. Il y en avait peu des voitures filant sur le macadam, lorsque des centaines d’ouvriers pédalaient dans le sillage du gazole des trois gros cars bleus de l’usine Dunlop.
Brusquement, inattendue, une voix sans visage arrêta nos battements de langue :
- C’est ta sœur ? Non ! c’est ton frère ? Non !
L’Abbé C. venait d’apparaître. Nous ne l’avions pas vu tomber du ciel. Il atterrissait devant nos quatre sandales qui nous faisaient le pied plat. Et sa parole d’évangile se fit autoritaire. « Vous n’habitez pas au même endroit. Vous n’avez donc rien de bien à faire ensemble ».
C’était un jeudi. Colette et moi sortions du catéchisme, elle de chez les filles et moi de chez les hommes du futur. Une heure que la leçon avait duré ! Une heure qui me paraissait pleine d’au moins cent quatre vingt minutes. Et c’est long une minute qui s’attarde pendant trois minutes.
L’Abbé C. nous rappela aux bonnes mœurs journalières d’une grande grande ville comme Montluçon, et que nous devions les respecter jusque dans la petite petite ville populaire de Gozet
- Toi (c’était moi), tu pars devant, et toi (c’était elle) tu resteras en arrière jusqu’à ce qu’il ait tourné l’angle de la rue.
Tourner l’angle de la rue ! En voila une idée semblable à celle exprimée par ma mère en début de repas : si tu ne veux pas de la couenne, tu la mets dans le coin de ton assiette.
Comment repérer le coin d’une assiette toute ronde ?
Cette journée du jeudi, je ne revis pas Colette.
Quand elle fut à nouveau visible, elle se dirigeait vers l’École de la République, rue de la République. Pour y parvenir, elle devait passer devant l’autre école, l’école Voltaire, celle des garçons, rue Voltaire. Il y avait de l’ordre la-dedans.
Colette marchait sur le côté droit de la rue, respectant ainsi un des aspects du bel ordre public : les filles allaient sur le trottoir de droite, les garçons sur celui de gauche, en direction des deux écoles où la mixité était interdite. Au retour, les deux trottoirs, sans changer leur emplacement, changeaient de désignation : de droite l’un devenait de gauche pendant que de gauche son vis à vis devenait de droite. Les deux trottoirs échangeaient politiquement leur veste. Ça aussi, c’était de l’ordre, assurant sans doute l’inclinaison de la planète sur son axe.
Mais qu’est ce qui empêchait le garçon se rendant auprès de l’instituteur, de marcher sur le côté habituel aux filles ?
- Pour être taxé de « Jean la fille » ? Merci bien.
Ryal
12:24 Publié dans Dessin humoristique, Education, Enseignement, Moeurs, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : montluçon, école voltaire classe 1942, abbé chevalier, souvenirs d’enfance, dunlop
08/05/2016
Dimanche, jour du Seigneur n° 9
- C’est vrai que tes oreilles ont grandi plus vite que ta tête.
Quoi, comment ? Et c’était ma mère qui confirmait une inquiétude, un malaise qui m’occupait depuis que je m’étais attardé devant la glace de l’armoire, rien que pour vérifier ce que je croyais être la symétrie naturelle d’un visage. Ma paire d’oreilles m’avait soudain paru trop grande, et chaque oreille décollée façon Jumbo.
Maman chercha à me rassurer : ça s’arrangerait avec le temps.
Peut être. Seulement, ça s’aggravait surtout au moment d'aller dehors. Fallait remédier à cette difformité d’autant difforme que je n’avais pas joyeusement imaginé jouer le clown au centre d’un attroupement de moqueries.
J’eus le bon réflexe : le béret. Je n’aimais pas le béret … Mais il y avait toujours une raison pour qu’un béret chapeaute mon crâne. Un jour : il va pleuvoir, mets ton béret. Un autre : il fait du vent, tu serais dépeigné. Encore un autre : le soleil tape, tu risquerais en pédalant sur ta bicyclette sur la route de Guéret, une insolation sans ton béret.
Pour une fois, elle allait vraiment être utile, la coiffure basque inséparable de la silhouette du maquisard embusqué. Le béret, je l’enfonçais jusqu’au ras des sourcils, bien à fond. J’enfermais mes esgourdes, les cachant pour les rendre inexistantes. Une esgourde ? j’ai dû trouver cet argot pendant mon adolescence chez Auguste le Breton. Allons, la journée s’annonçait moins mauvaise que ce que je craignais.
Mais comment avais-je pu oublier Marie-France ? … Marie-France était une gamine dont le jour de naissance et le mien sont à égalité depuis plus de soixante dix ans. Nous nous rendions intéressants devant la ménagerie des enfants du quartier en affirmant être frère et sœur de lait : « La même nourrice, on a eue ! »
Toutes les vraies nourrices portent de gros nichons ou, alors, ce ne sont que de fausses nourrices tricheuses et qui allaitent avec un Robert le marmot. Le Robert c’est le biberon.
Le lendemain, j’étais content de revoir Marie-France.
Elle m’accueillit d’un coup de pied.
- Avec ton béret enfoncé sur tes oreilles qu’est ce que t’es moche !
Moche ! Moi ? … Et elle, avec sa paire de lunettes sur son nez trouée de deux narines, elle n’était pas moche, cette binoclarde ?
Elle m’avait contrarié, la petite vache.
Mais en même temps, je ne disposais pas d'assez d’héroïsme pour lui déplaire. Je décidais donc de jeter mon bonnet non pas par dessus les moulins ; mais au moins dans ma poche de culotte. Dans ma poche gauche car, pour ce qui était de la droite je l’utilisais pour garder ma réserve de billes.
Donc, le béret disparu, ma liberté renaissait. Je guettais le moment où Marie-France sortirait de sa maison familiale au bout de la rue, se rendant comme moi « au Caté du jeudi matin » ; mais pas dans le bâtiment des garçons, elle.
Ravalant la dernière goutte du venin que j’avais entretenu à petit feu, je courus avec une fierté renouvelée vers la binoclarde.
- T’as vu, je n’ai plus de béret.
- On ne t’a jamais dit que tes oreilles débordaient de tes épaules ?
Ryal
16:02 Publié dans Education, Histoire, Montluçon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : catéchisme, montluçon, paroisse saint paul, auguste le breton, souvenirs d'enfance
13/03/2016
Dimanche, jour du Seigneur n° 1
Le dimanche, jour du Seigneur
Une copine, copine de tous les garçons de son âge et du mien, m'avait prévenu : il y en a un, un gros tout plein, tu fais gaffe avec. S'il te chope derrière le cinoche, il te dit bonjour et il en profite pour t'embrasser sur la bouche.
Un homme de huit ans, lorsqu'il est averti n'en vaut pas toujours deux. J'avais oublié. Zut, alors ! j'eus droit au furtif baiser du vampire. Un baiser aussi prompt que mouillé.
C'était contre le mur d'un petit cinéma pauvrement aménagé. (Des bancs de bois. Pas de chaises et encore moins un fauteuil). Nous surnommions « Ciné des curés » ce lieu dont je me souviens vaguement que le bâtiment ressemblait à une chapelle démobilisée. N'empêche ! les films qu'il projetait pour un public de gamins bruyants, étaient annoncés dans le journal le plus lu de Montluçon : Le Centre Républicain. Un typographe assemblait à l'envers le lettrage que nous lisions à l'endroit sur la page : Cinéma des Marais ou, peut être, cinéma Le Marais.
Nous nous y amusions bien. Avec nos poches pleines de méchants caramels farineux payés un centime pièce, que nous protégions contre trois ou quatre morveux bagarreurs précoces évadés de l'école Viviani.
Oui : l'école des voyous.
17:32 Publié dans Arts, Education, Enseignement, Moeurs, Montluçon, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : montluçon, école viviani, cinéma le marais, le centre républicain, martinat, amis de montluçon, blanzat, eglise catholique
02/03/2016
Entre mardi et jeudi, mercredi
Petite intervention chirurgicale
pour Bar-Zing
17:38 Publié dans Actualité, Santé | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : bar zing de montluçon, santé, montluçon
28/08/2015
Montluçon City infernale
Peu attentif aux variations du vocabulaire routier, je m'étais imaginé que l'expression « voiture-ventouse » dénonçait un de ces emmerdeurs d'automobilistes qui vous collent à l'arrière train entre Montluçon et Néris – ou dans le sens inverse.
Mais non ! Il s'agit d'une bagnole que son utilisateur n'utilise plus pendant une semaine, deux semaines, voire d'avantage, stationnant comme abandonnée et de préférence devant le domicile des voisins.
Voiture-ventouse repérée quartier Beaulieu
Nous en subissons une de - voiture ventouse ! Stoppée qu'elle est depuis au moins cinq semaines. C'est même une périodique comme les tampons : elle s'absente de temps en temps deux trois jours, puis réapparaît pour s'immobiliser à nouveau et comme morte pendant trois, quatre semaines et plus.
La question est généralement posée sur le mode humoristique : mais que fait la police ?
Docteur Jivaro
11:04 Publié dans 40 millions de chauffards, Actualité, Blog, Consommation, Moeurs, Montluçon, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : montluçon, 40 millions d'automobilistes, montluçon city infernale, voiture-ventouse, stationnement en ville, stationnement interdits
22/08/2015
Qu'on aboie sous les tonnelles
Qu'on aboie sous les tonnelles
Devinez rien qu'un peu : deux moucherons repérés tout noirs dans mon verre empli d'un apéro vin blanc.
Première année que ce début d'invasion clandestine en fin de mois d'août frappe notre domicile conjugal européen.
- Il n'y a plus de mouches, avais-je dit à mon épouse.
Et ma compagne d'appuyer : c'est vrai ! Depuis pas mal de temps on les voit de moins en moins les mouches.
Faut entendre que dans notre quartier les jardins potagers et les espaces fruitiers disparaissent de plus en plus vite. Les uns recouverts de maisons bâties en vitesse à la six-quatre-deux – et les autres, mais plus rarement, creusés pour être inondés d'une piscine que le propriétaire n'utilise finalement qu'un seul mois sur douze.
Tiens ! À ce propos, pourquoi ne pas rendre rentable chaque piscine en la garnissant de poissons à consommer après engraissement ?
Reste qu'il y avait bien deux moucherons muets comme des carpes et battant des ailes, à se noyer dans le vin blanc sec de mon verre transparent. Une intrusion malséante qu'il me fallut corriger par une de mes voies naturelles. Oui : je me les suis envoyés avec la rasade d'alcool, les moucherons noirs.
- Tu es un monstre ! s'est écriée ma femme.
Laquelle de femme, de son côté, dévorait une à une des crevettes tout aussi roses que mortes.
Puisque nous, civilisés, mangeons des cadavres.
Ryal
08:50 Publié dans animaux, Blog, Consommation, Moeurs, Montluçon, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : montluçon, piscine, moucherons, terrains à bâtir, vins blancs, consommation