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29/12/2012

Les Tarzanides du grenier n° 14

Revenant de l'école Voltaire par la rue Miscailloux, le soir, je ne manquais que rarement d'approcher mes yeux de la vitrine du Bar-Tabac-Journaux situé en bordure surélevée d'un ruisseau. Ruisseau où nous capturions de pauvres têtards dans le creux de notre main, poing soudain fermé. Le ruisseau des Étourneaux, bien tracé pour rejouer pendant notre enfance la bataille historique de la Little Big Horn.


 Nous parvenions à la fin de l'année 1951. Les couvertures illustrées de certains magazines étaient visibles de dehors. Vous aperceviez RADAR et LE HERISSON, ou encore et surtout PARIS HOLLYWOOD, lequel allait bientôt être interdit d'affichage par une conjuration catholique et communiste.


 Mon regard fut comme happé par deux syllabes formant tout un titre, LE titre par excellence : TARZAN. Je ne m'y attendais pas. C'était beaucoup mieux que l'Almanach VERMOT, exposé lui aussi. C'était l’Almanach TARZAN nous souhaitant une bonne année nouvelle, celle de 1952 toute proche.


Vite ! Bon sang ! Je fouillais mes poches. Rien dedans ! Pas le plus petit rond. Mais quand même, quelque chose : un béret.


 J'endurais l'horreur des bérets. Soit je les perdais, soit on me les volait. En fait, je possédais comme le don de les rendre invisibles. Ma mère et ma grand-mère, imperturbables, m'en achetaient un de remplacement, à chaque disparition (j'exagère). « Et fais attention de le garder celui-ci tout neuf ! ». Un jour, je rencontrais par hasard ma mère entre la coopérative, qui sentait le café et le poivre, et l'enclos du ferrailleur qui sentait la rouille après avoir senti la peau du lapin pendu par les pattes arrières.


 J'étais tête nue.

 - Et ton béret ?

Je venais de cacher cet importun dans mon blouson. A mon avis, le béret c'était un truc poussiereux pour les vieux. Un souvenir fétiche de FFI. Je lisais dans COQ HARDI « Les Trois mousquetaires du Maquis ». Trois bérets. D'accord, c’était amusant mais ça appartenait au passé. Au lendemain du 9 décembre, j'atteignais mes neuf ans. On n'a pas de nostalgie quand on a neuf ans.

 

Devant l'étalage des journaux dont un me captivait, je remis le foutu béret sur ma tête. J'allais demander à ma grand-mère les 150 frs nécessaires à l'achat de l'almanach. Ce n'était donc pas le moment d'être négligent vis à vis de la tenue réglementaire.


  • C'est pour Tarzan, mémé.

  • J'espère que ce n'est pas pour te payer en douce des cigarettes. Je vérifierai. 

  

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Regardons l'illustration de ce troisième et dernier almanach de TARZAN. Elle n'est pas signée.


Sur la couverture des 124 numéros « récits complets mensuels » de TARZAN nous étions habitués à voir un gribouillis en guise de signature. A quel nom correspondait ce paraphe illisible ? Longtemps mystère pour nous jusqu'au début des années 70 où nous apprîmes enfin le nom de MILOCCO.


Mais l'illustration de l'almanach ne présente pas la signature gribouillis de MILOCCO. Ni aucune autre. Alors de qui est le dessin ? Je me suis souvent dit : il est de LE RALLIC.


 LE RALLIC produisit énormément, ayant commencé sa carrière dans des revues d’obédience catholique. On le rencontre, dès les années 1920 dans un des hebdomadaires édités par la Maison de la Bonne Presse : LE PELERIN. Il y signe de petites images anti-bolcheviques. Il réalise pareillement des histoires de chouannerie « Sacré-cœur de Jésus » en lutte contre les bonnets rouges républicains, dévoreurs de curés. Un exemple : « Les galettes du dauphin »brochure éditée en février 1944 par la "Collection des romans ... pour la jeunesse".


Et partout, LE RALLIC n'oublia jamais de placer sa signature. Alors pourquoi ne signa-t'il pas son illustration pour TARZAN ?


TARZAN était alors publié par les « Éditions Mondiales ». LE RALLIC travaillait pour elles, notamment dans L'INTREPIDE. Mais il ne dessinait pas dans l'hebdomadaire TARZAN, celui-ci pourtant édité par les mêmes « EDITIONS MONDIALES ». LE RALLIC, catholique pratiquant, avait-il conclu avec les Éditions Mondiales une sorte de contrat moral selon lequel il ne lui serait pas demandé de participer au journal TARZAN, le nom de TARZAN étant honni par tout le clergé français ? Peut être, alors, accepta t'il de faire une exception en illustrant la couverture de l'Almanach TARZAN à condition de ne pas avoir à lui appliquer sa signature.


Cet almanach comprend 72 pages.


En page 2, une photo montre Glenn Morris dans le rôle d'un roi de la jungle indisposé par la fragilité de ses pieds. En page 3 et jusqu'à la 21, les enfants purent s'enthousiasmer du talent de Hogarth malgré une version française expurgée.


Les pages centrales de couleurs vives offrent un exploit de TOM MIX précédemment publié dans les numéros 107 et 108 du TARZAN hebdomadaire de la troisième année. Enfin, de la page 25 à la page 35, l'épisode BD « Couchant de sang » se rapportant aux dernières grandes révoltes amérindiennes contre l'envahisseur européen. Cet épisode avait déjà été dessiné par René Giffey pour le magazine TARZAN de l'année 1949. Il recommence ici avec des modifications de patronymes chez les militaires. Le colonel Custer s'y change en colonel Perry et son lieutenant Tyler devient lieutenant Jhonson. Pendant que l'éclaireur indien OAKYE s'éclaircit le visage pour apparaître sous les traits de Mallory.

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LE RALLIC fut très apprécié des jeunes amateurs de BD. La preuve : le petit dessin ci-dessous représentant un cow-boy et qui fut imprimé dans le n° 13 de JEUDI MAGAZINE en août 1946. Un gamin « de Varennes sur Allier » affirma l'avoir exécuté « sans modèle ». Ce Pinocchio eut la chance de ne pas avoir  le nez coupé en rondelles. Petit menteur, allez ! On reconnaît tout de suite la silhouette d'un cavalier décalqué sur un de ceux qui feront longtemps encore la réputation de LE RALLIC.


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Docteur Jivaro

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