14/09/2025
Tarzanides du grenier n° 658
A COUTEAUX TIRÉS
Un coup d’œil désinvolte sur ces deux vignettes ci-après peut faire croire qu’elles sont identiques l’une l’autre.
Ici, Bar Zing censure deux petits textes originels pas du tout essentiels.
- On voit tout de suite que les couleurs ne sont pas les mêmes. Le dessin, oui.
Justement non, le dessin n’est pas le même, les images pas du tout jumelles. C’est bien un unique personnage mais dans l’image à gauche il semble se préparer à lancer un coup de poing. Cette illusion tient au fait qu’un objet, mieux encore : une arme a disparu. Le couteau, le poignard a été victime de la censure. Une censure se voulant française, celle infecte datée de juillet 1949. Apprécions à présent l’image d’origine américaine, ici située à droite. Elle fut publiée en 1950, le 18-06. Les adultes comme les enfants de mon cousin d’Amérique étaient libres de saluer le talent de Burnes Hogarth, donc la liberté d’expression dans les bandes dessinées. Tel n’était pas le cas pour nous autres écoliers du pays de l’Abbé Pierre et de Maurice Thorez : quelque trois mois après celle américaine, la publication en France de TARZAN du 7 octobre 1950 sur la page première de son numéro 211, exposait comme une mutilation rituelle : le couteau disparu, escamoté.
Si dans certaines sociétés inspirées de l’Islam, on offre à l’adolescent un couteau pour l’honorer de son entrée dans le monde des adultes, ce n’est pas du tout le cas en France dans une société démocrasseuse où un juge peut renvoyer en prison un homme âgé qui vient de blesser un des cambrioleurs de sa maison.
Lorsque j’eus l’âge de treize, quatorze ans, je me souviens m’être souvent promené dans Montluçon et ses environs (à bicyclette) sans oublier de placer un couteau à cran d’arrêt dans la poche arrière d’un de mes premiers blue-jeans. Jamais je ne m’en suis servi pour causer du mal, tout au plus pour tailler des crayons de couleurs. C’était une mode commode entre copains. Ainsi, avoir un couteau caché équivalait à une confidence intime entre nous, à ne pas exhiber devant les voisins. Les quelques affrontements que nous avions se limitaient à tordre des bras ou jeter par terre l’adversaire. Nos rivaux, nous les rencontrions aux abords du Canal de Berry ... Plus rarement du côté des anciennes Cités des Usines Dunlop.
- Et pourquoi ?
- C’est qu’il y avait du trèfle.
- Du trèfle ?
- Comprenez : de la fille accessible.
Cependant nous n’étions pas des fous et je ne me suis jamais mesuré à l’un des types de la bande à Pépito (vous vous souvenez ?) On ne le connaissait que trop lui et ses gaillards qui allaient fréquemment emmerder les petits bals populaires de la Creuse. De vieux habitants de Parsac – La Chapelle peuvent encore s’en souvenir, d’autant qu’il y avait des affaires autrement plus graves que de casser trois quatre verres dans une salle de danse.
Tenez : n’y a pas que le couteau qui disparaît dans les BD "à la française". Les revolvers aussi se volatilisent. Vérifiez sur l’image ci-dessus. Mais quel escamoteur a subtilisé le colt de Tex Willer ?
Bon début à vous, d'une semaine prochaine qui s'annonce d'un final douteux.
Doc Jivaro
17:55 Publié dans Arts, BD, BD anciennes, Blog, Fanzine, Grenier de la BD, Journaux, Société, Tarzanides | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tarzan, burnes hogarth, loi juillet 1949, tex willer, bd rodéo 1956
12/08/2017
Les Tarzanides du grenier n° 263
Les deux bandes ci-dessus et comportant neuf vignettes datent du 31 décembre 1946.
Les deux autres bandes du dessous, quant à elles, furent publiées pendant le deuxième trimestre de 1949, et n’ont qu’une ressemblance partielle à celles du haut. Toutes les quatre pourraient s’apparenter au « Jeu des sept erreurs » tel que vous le connûtes peut être dans l’ancien FRANCE SOIR des années 60 (de 1900 bien sûr). Sauf qu’ici ce n’est pas la malice qui intervient comme par plaisanterie mais la censure qui atrophie, qui mutile. (Évidemment ce n’est pas l’absence de toute couleur dans le second exemple qui en différencie la signification d’avec le premier).
Le texte et les dessins ont été amoindris pour se prémunir contre la prochaine loi votée en juillet 1949, loi par laquelle le curé en soutane noire et l’instituteur en blouse grise, oubliant momentanément leurs vieilles rivalités, se faisaient complices pour porter préjudice autant aux bandes dessinées françaises qu’américaines. Ils prétendaient assagir notre enfance en affadissant le contenu de nos magazines riches d’histoires en images. Mais leur action eut surtout pour effet d’appauvrir nos journaux français durant une petite dizaine d’années, petite dizaine d’années durant laquelle des illustrés concurrents venus de Belgique et d’Italie gagnaient de plus en plus en séduction auprès de nous.
Bonnes vacances à tous.
Doc Jivaro
18:47 Publié dans Arts, BD anciennes, Grenier de la BD, Journaux, Le Petit Censeur Illustré, Media, Moeurs, Politique, Société, Tarzanides | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bandes dessinées de collection, bandes dessinées françaises, spirou, france soir, censure, loi juillet 1949, editions impéria