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27/04/2013

Les Tarzanides du grenier (n° 32)

Les onze font les douze


Dans la revue BIZARRE, n° 29 et 30 de l'an 1963, Francis Lacassin énumérant l'existence des 19 albums TARZAN publiés chez HACHETTE négligea de signaler l'absence d'un numéro 12. Il s'en corrigea quelque vingt ans plus tard chez l’Éditeur Veyrier ; mais toujours sans indiquer que le titre annoncé et jamais imprimé était « Tarzan et les Amazones ». Ce manquement se remarque également dans les numéros 590 à 593 de la Collection 10-18 de l'année 1971, du même auteur. 


La non parution de ce numéro 12 de Tarzan est généralement attribuée à la double censure catholique et communiste dont les effets falsificateurs se firent sentir plusieurs mois avant sa publication au Journal Officiel. 


Lorsqu'en 1940 parut l'album numéro 7 « Tarzan et les Pygmées », l'armée allemande se préparait à occuper pendant quatre ans le pays du Marquis de Sade … HACHETTE se vit obligé d'interrompre les exploits de TARZAN né de parents anglais. 


En 1947, l'éditeur français recommença les péripéties de l'homme-singe avec un album numéro 8 « Tarzan et le Petit Roi », qui n'est en rien la suite de « Tarzan et les pygmées » classé numéro 7. Deux années passèrent encore et c'est en 1950 que HACHETTE imagina d'imprimer dans un album numéro 12 la fin du numéro 7 restée en réserve pendant dix ans. 


Les albums 7 et 12 (si le 12 avait été édité) auraient donc regroupé une grande aventure de TARZAN initialement publiée en Sundays Pages made in USA depuis le 4/12/1938 jusqu'au 30/07/1939 et qui comporte trente cinq grandes planches BD colorées. Cette aventure se termine par une rivalité entre TARZAN et des femmes guerrières, rivalité n'emplissant qu'une petite dizaine de pages. On peut donc supposer que le nombre restreint d'images fut jugé insuffisant par les maquettistes pour emplir un album HACHETTE, composé habituellement de quarante huit pages. 


D'où notre penchant à supposer que la censure catho-coco ne fut pas la cause unique du renoncement à publier un « TARZAN et les femmes libérées », numéro 12. 

•  Vous venez d'écrire étourdiment « femmes libérées » mon pauvre ami.

• J'ai écrit ça, moi ?

• Oui, vous.

• Je fume d'être embrouillé dans ma tête. Je me demande parfois comment les amazones réussissent à ne pas se comporter en lesbiennes. Peut-être parce qu'elles n'existent que comme des inventions érotiques produites par la part variable de masochisme présent dans chaque homme.

 

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Ci-dessus 2 vignettes venant de JUNIOR, année 1939 et pendant la journée du 5/10. Remarquez l'ombre portée sur Tarzan, ombre par laquelle le dessinateur Hogarth a caché le baiser lèvres contre lèvres que la Reine Kuleeah applique à TARZAN, profitant de l'évanouissement du héros. Comme si vu de dos le corps de cette amazone ne modérait pas assez l'étreinte passionnée !


Mais pour un père-la-pudeur on n'est jamais assez restrictif lorsqu'il s'agit de maltraiter les gestes d'amour de l'humaine animalité. Or, Hogarth se comporta toujours en hypocrite dans son œuvre dessiné même quand la décennie des années 1970 autorisait quasiment toutes les licences dans l'art et la littérature. 


Cette aventure que j'appelle « TARZAN et le chaînon manquant » (et que vous pouvez tout autant intituler « TARZAN et Linda » lorsqu'elle est complète), fit l'objet d'une deuxième publication en 1951, toujours chez HACHETTE mais aussi, toujours, atrophiée (Les chasses de Tarzan). L'épisode des amazones y est invisible ; le méchant-vilain Marsada s'en sort vivant, pardonné par un TARZAN devenu naïvement humanitaire. Quant à la jolie Linda, sa jupe trop courte risquant de traumatiser les enfants de Jésus ainsi que ceux de Staline, on l'affuble d'une soutane noire autour de ses jambes d'amoureuse.

 

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L'envol de Tarzan et Linda suffit pour symboliser de façon aérienne l'orgasme du couple homme/femme. Le parallélisme des quatre jambes ainsi mises à l'unisson, renforce l'illusion d'une jouissance commune réussie. Comme le dit le poète « Tous deux ne font plus qu'un ».

 

Docteur Jivaro

13/04/2013

Les Tarzanides du grenier (n° 30)

 KORAK

  

D'abord né pour un public d'adultes, TARZAN est un vieux parmi les vieux parvenus jusqu'à nous depuis le tout début du XXe siècle. C'est en 1912 que la littérature populaire américaine enregistre le surnom que les grands orangs attribuèrent à l'orphelin de Lord Greystoke et Lady Alice. 


L'enfant aurait dû mourir anonyme comme meurent des multitudes de nouveaux-nés isolés dans un monde féroce. L'enfant aurait dû mourir … mais il deviendra, et sans le secours d'aucune divinité, l'un des héros de fiction les plus prestigieux. Nos ancêtres en appelaient à Héraclès, notre enfance en appela à Tarzan. 


En France, ce sont les éditeurs parisiens Fayard et Cie qui installèrent pour la première fois ce personnage dans la mémoire collective. En 1926. La traduction, réalisée par une demoiselle Lucion, diffère quelque peu de beaucoup d'autres qui lui succédèrent, et notamment de celle datée de 1970 et diffusée par DENOEL. Mais, franchement, peu nous importe. L'essentiel est que le succès populaire, plus fort encore : le succès mondial ait fonctionné pareil à une fontaine de jouvence pour LUI, pour TARZAN. Génération après génération son électorat se renouvelle, l'entretenant dans une jeunesse pérenne. Il a survécu à une première guerre mondiale, la seconde ne l'a pas non plus anéanti. Pendant tout ce temps, il est passé de l'écriture romanesque à la bande dessinée dont les images ont facilité sa présence auprès des jeunes écoliers.

 

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Couverture du numéro 1, année 1926.


L'illustration est imprimée à partir d'une gravure effectuée sur une planchette de bois. L'épaisseur de la ligne saccadée assurant le profil des formes, ainsi que la teinte orange posée par aplats, témoignent de l'art de la xylographie. Délaissée en Europe depuis les débuts de la Renaissance, cette technique n'autorisant souvent qu'un rendu sommaire, fut remise à la mode pendant les années 20. On voit, en bas et à droite de la feuille, que l'artiste a arrangé sa signature sous l'aspect d'un monogramme. Une manière d'appuyer l'apparence moyenâgeuse de l'image. 


Les familiers des aventures de Tarzan se sont finalement accordés à propos des relations sexuelles entre Tarzan et Jane. Tous deux sont mariés. Un homme et une femme donnant naissance à un fils, sans avoir préalablement « convolés en justes noces » cela ne devait pas exister dans les romances pour le grand public. Le grand public n'est, on le sait, qu'un grand enfant. 


Mariés ? Pas mariés ? Personnellement je m'en fiche. Ou plutôt non. Non, puisque j'ai toujours choisi Tarzan célibataire. Célibataire mais pas chaste, cela va de soi sans dire ni médire.

 

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Dans la série des romans, le titre « Le Fils de Tarzan » n'arrive qu'en quatrième position. Jack est bien le fils de son père John. Dès qu'il peut se déplacer vivement à quatre pattes, il veut absolument aller revoir un grand singe prisonnier dans un cirque. Hérédité ne saurait trahir. Mais Maman Jane n'est pas d'accord. « Non, Jack ! Non et non. Je ne veux pas que tu imites ton ... ». 


Ici, Jane se tait. Elle craint fréquemment que son époux, LE Tarzan, s'en retourne vivre chez les fauves. Aussi a t'elle peur que leur fils développe l'instinct qui lui fera prendre en détestation les refoulements exigés par la vie civilisée. 


Plusieurs versions françaises de cet épisode furent publiées. Celle de 1972, toujours chez Denoel, est la plus fidèle aux idées manifestées par Edgar Rice Burroughs. Dans le cours de l'histoire, Jack, le seul vrai fils tarzanide de Tarzan, s'affirme contre tous ses ennemis. Il égorge avec ses dents juvéniles un grand noir guerrier qui prétendait le tuer. A partir de cet assassinat bestial nécessité par un danger menaçant sa vie, Jack se change en KORAK. C'est ainsi qu'un grand anthropoïde l'identifie parce que « KORAK » dans le langage de la jungle signifie « Le Tueur ». 


En 1939, Hachette, à son tour, donne une interprétation – mais simplifiée de ce « Fils de Tarzan ». Toutes les scènes violentes en sont bannies. La jolie adolescente Myriam pourchassée par des arabes esclavagistes, change son nom en celui de Mériem. Quant à Jack s'il reçoit toujours le surnom de Korak c'est parce qu'il tue des animaux pour s'alimenter et non pas des hommes pour se venger. Comprenez que les « bonnes mœurs » selon Hachette ont condamné tout le récit à ne subsister que dans une atmosphère raréfiée, puérile.

 

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 En feuilletant ce petit livre on remarque que les 10 illustrations signées de Souriau, sont sélectionnées parmi toutes celles que le même Souriau avait préalablement publiées dans l'hebdomadaire HOP-LA !, depuis le numéro 36 jusqu'au numéro 52 dès l'année 1938. 


Dans les traductions fidèles au texte américain, on retrouve chez Jack-Korak des actions et des traits psychologiques quasiment similaires à ceux de son père. Ne serait-ce que le rire, que l'expression de joie intense qu'il manifeste à vérifier la destruction d'un ennemi. En cela, oui, Korak et le plus tarzanide des tarzanides.


 

Docteur Jivaro