08/12/2024
Tarzanide n° 623
TOUS VAILLANTS ?
- Debout ! Allez, hop ! debout fainéant ! Oui : c’est jeudi et il n’y a pas école … Mais il y a l’heure du catéchisme.
J’étais cuit. Le « caté » ! pour réussir la communion solennelle, il fallait d’abord réussir le caté. Deux fois chaque semaine l’un le vendredi après la laïque, l’autre le jeudi en matinée. Une heure chacun. Deux abbés pouvaient se relayer : l’Abbé Chevalier, l’Abbé Sauvageot.
- Qu’est ce que tu racontes ? S’était exclamé mon père tout en versant un demi verre d’eau dans le potage du soir. « Ta mère le sert toujours trop chaud. Mais qu’est ce que tu viens de dire : l’Abbé Sauvageot ? J’ai connu pendant mon service militaire un grand gars qui s’appelait Sauvageot et qui voulait devenir prêtre catholique. Ça ne serait pas le même par hasard ? Quand tu le reverras tu lui demanderas poliment s’il ne m’a pas connu avant que je cours me réfugier en Suisse ».
Le catéchisme du vendredi se déroulait dans un petit bâtiment situé dans la cour de l’école « libre » côté rue Daint Paul. Et, figurez-vous, que les deux abbés laissaient à notre disposition un illustré hebdomadaire de huit pages ayant pour titre CŒURS VAILLANTS. Un journal en images entretenant la religion catholique. C’était une manière de nous appâter pour que nous décidions nos parents à nous y abonner. On y trouvait des BD et celles-ci racontaient de façon toujours positive l’enseignement religieux chrétien parmi les populations asiatiques ou africaines dépendantes de la France par la politique de nos colonies.
Créé en 1929 CŒURS VAILLANTS fut peut-être l’illustré pour enfants doté d’une durée de vie la plus longue chez nous, destiné à la jeunesse.
Mais en 1940, notre défaite militaire en lutte contre le « Blitzkrieg » du IIIeme Reich, obligea soudainement ce magazine CŒURS VAILLANTS a transporter ses bureaux dans la ville de Clermont-Ferrand. C’était la conséquence de l’armistice signé le 22 juin 1940, divisant notre pays en deux territoires : Celui du Nord, donc Paris, entièrement sous le contrôle allemand tandis que celui, disons du sud, restait gouverné par un Maréchal Pétain se gargarisant mais peut-être sans trop y croire de l’expression abusive : Zone Libre.
Le très catholique CŒURS VAILLANTS fut donc pour un temps en « Zone Libre ». En cette circonstance il édita un numéro spécial baptisé NUMERO 1 marquant le début d’une série nouvelle.
Dimensions réelles : 42,5 X 29 cm.
Il s’agit d’un numéro exceptionnel vu les circonstances de sa parution. Il y eut probablement des familles qui, à première lecture, s’étonnèrent de l’orthographe utilisée pour le paragraphe le plus important. D’autre part toutes les BD sont exclues pendant que la maquette est réduite à quatre pages simplement imprimées en noir et blanc. Le ton des articles est volontairement celui d’un engagement résistant malgré l’ambiance défaitiste généralisée en dépit de l’Appel gaulliste du 18 juin 1940.
Ce numéro spécial de COEURS VAILLANTS devenu rare est particulièrement recherché par des collectionneurs maniaques. Il est daté du dimanche 14 juillet 1940. C’est l’oncle de mon épouse, ancien curé de Montmarault après biens d’autres paroisses, qui me fit cadeau de cet exemplaire qui porte des déchirures, des blessures et, j'ose écrire, comme les stigmates des cinq années et écoulées dans des souffrances sanglantes.
- Dites donc, Bar Zing, : je parie que vous profitez de cette journée de réouverture de Notre Dame de Paris au public, pour publier cet article.
- Bingo !
Bar Zing
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31/10/2020
Tarzanides n° 458
Allez expliquer pourquoi dans beaucoup d’anciens récits en images n’importe quel gaillard coiffé d’un chapeau et portant un revolver visible sur la hanche est appelé « cowboy » ? Qu’il paraisse comme aventurier à semelles crevées, ou comme policier réglementairement mandaté s’il chevauche à travers une prairie, ça y est ! c’est un cow-boy. Même en absence d’un troupeau de vaches. A croire que c’est le cheval qui fait le gardien des ruminants. Pas le vaquero déroulant son lasso.
Deux pages de papier journal ayant pour titre JERRY SPRINT. En novembre 1957, en France pays des veaux si l’on en croit Charles de Gaulle, le beau canasson va délivrer le héros emprisonné par des vauriens. Tous les chevaux de nos BD d’enfance étaient présentés comme des animaux courageux et fidèles, intelligents puisque obéissants. Mais avant tout ils portaient des noms évocateurs de la vitesse et du vent : Tornade, Cyclone, Ouragan … Longtemps la monture de Zorro eut pour identité « Fend l’air » tandis que William Bill Cody du Poney Express galopait sur « Tempest ». Me semble bien que dans certaines versions, chez nous, Thunder (Tonnerre) fut chevauché par Red Ryder.
Et maintenant observons l’illustration du magazine CŒURS VAILLANTS de l’année 1958.
Ceux d’entre-nous dont l’enfance connut la physionomie du Jerry Sprint dessiné par JIJÉ, son créateur dans Spirou, purent d’abord être abusés jusqu’à croire que le même JIJÉ avait dessiné ce cow-boy nouveau nommé Art Howell. Même silhouette, même geste de la main et même graphisme des rochers. Toutefois, ce travail est dû à Jean Giraud, lequel fut le jeune assistant de Jijé dont il imita certains procédés de BD. A tel point que lorsqu’il créa à son tour un lieutenant Blueberry il en marqua les premières planches d’une influence venue du JERRY SPRINT de JIJÉ.
Au début des années 1990, il m’arrivait de fréquenter la librairie parisienne FANTASMAK située à proximité de la Gare du Nord, et de bavarder bandes dessinées avec le responsable des lieux. Un après-midi, comme je rappelais les nombreux travaux signés de JIJÉ, le responsable de la boutique s’exclama presque hostile :
- Je n’aime pas JIJÉ !
Doc Jivaro
17:54 Publié dans Arts, BD, BD anciennes, Blog, Grenier de la BD, Journaux, Tarzanides | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jijé, jerry sprint, lieutenant blueberry, jean giraud, coeurs vaillants, tarzanides, bar zing, bandes dessinées de collection, red ryder
17/10/2020
Tarzanides n° 456
Forcément, nos curés et nos abbés nous déconseillaient de regarder et de lire des récits imagés imprimés dans des journaux venus de la laïcité. Mauvaises lectures ! Dessins vilains ! Ils en dénonçaient surtout la violence. Et ils avaient bien raison. Tenez, par exemple :
Hein ! Quel manque de tact : offrir en guise de spectacle une telle cruauté aux petits enfants ! Sauf que …
… Sauf que ce fragment d'une bande dessinée a été prélevé sur la page 5 de l'illustré CŒURS VAILLANTS, n° 16 du 17 novembre 1946. Et que cet illustré était officiellement recommandé aux familles catholiques pour le divertissement de leur progéniture baptisée.
Pendant les années 1950 il arriva que les titres de journaux BD absolument réprouvés par les autorités Catholiques fussent placardés à l'entrée des églises. L'Abbé Pihan se faisait le grand inquisiteur répartissant nos illustrés entre les bons et les mauvais. C'était aussi lui le gérant de ce « Cœurs Vaillants » dont certaines images suggéraient le sadisme humain. Mais n'oublions pas qu'à ce moment là, pendant la messe du dimanche, les enfants que nous étions apercevaient au milieu du chœur, en face de nos yeux innocents, la figure d'un jeune-homme quasiment nu sculpté torturé sur une croix.
Mais ou donc les adultes vont-ils chercher leurs exemples du bien savoir-vivre ?
Doc Jivaro
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24/12/2018
Tarzanides du grenier n° 329 bis
Au VIe siècle après Jules César et en réaction contre l’érotisme populaire manifesté par les Saturnales du paganisme, les évangiles imposent le monothéisme en Europe par leurs prêches et leurs guerres. Les manifestations publiques de l’animalité humaine sont interdites pendant que des draperies de pudibonderie transforment la chaude maternité d’Aphrodite-Éros en une présence platonique désexuée, celle de Marie-Jésus.
Pourtant, Rome devenue chrétienne ou plutôt Judéo-chrétienne ne renonça pas à employer dans sa statuaire comme dans son art pictural la figure humaine conformément aux traditions païennes : l'imagerie était évidemment une méthode commode pour enseigner la religion nouvelle aux peuples laborieux, certes ! mais auxquels la compréhension de signes littéraires restait prohibée.
Les vitraux de nos églises avec leurs personnages colorés et transparents sont la preuve historique de l'importance éducative d'une imagerie faite de figures humaines.
Voici qui nous aide à comprendre que lorsque le XIXe siècle en Occident développa tout un commerce de
journaux illustrés destinés à la jeunesse, l’église Catholique n'en fut pas désemparée : elle avait depuis des siècles emmagasinée ses propres munitions visuelles. Et la création de la bande dessinée par la laïcité amena les religieux à créer à leur tour leur propres entreprise de captation de l'innocence. (Séduction of the innocent", Frédric Wertham, 1954)
Fondé en 1929, COEURS VAILLANTS fut publié sans discontinue jusqu'en 1963 où il modifia son titre en J2 puis en Formule1 avant de disparaître pendant l'année 1981.
Bien entendu chaque année, CŒURS VAILLANTS ne manquait pas de rappeler aux enfants baptisés la naissance du Petit Jésus ; naissance sans doute abusivement datée entre le 24 et 25 décembre, c’est-à-dire en remplacement des anciennes Saturnales du polythéisme saluant la renaissance du soleil.
Bonnes fêtes à tous et toutes, que vous dire d'autre ?
Doc Jivaro
17:27 Publié dans Arts, BD, BD anciennes, Blog, Education, Enseignement, Fanzine, Media, Moeurs, Religion, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : coeurs vaillants, bd, bandes dessinées de collection, editions fleurus, abbé pihan, saturnales, polythéisme, aphrodite-eros, noël, enfant jésus
29/09/2016
Pauvre Belgique : Pauvre Baudelaire
GRAND PALAIS 2016
EXPO HERGÉ
Concours de l'injure la plus affreuse
du vocabulaire du Cap'tain Haddock
12:03 Publié dans Arts, BD, BD anciennes, Dessin humoristique, Grenier de la BD, Journaux, Media, Société | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : grand palais 2016, hergé, coeurs vaillants, totor, mysoginie, degrelle mon copain, pelican d'or, petit vingtième, saint ogan, pauvre belgique
25/09/2016
Dimanche, jour du Seigneur n° 24
Le 16 mai 1943 était un dimanche … Preuve à l’appui, le bandeau du numéro 20 du « Cœurs Vaillants » des curés et de leurs ouailles par temps d’occupation militaire allemande.
Le fils du boulanger (Non ! Non ! Ce n’est pas le titre d’un film méconnu avec Raimu dans le rôle du patron enfariné) … Le fils du boulanger et moi étions plutôt bons amis lorsqu’il se haussait a ses huit printemps et moi à ma dizaine.
Ses parents l’envoyaient au catéchisme ainsi qu’à la messe dominicale mais, eux, ne se rendaient à l’église qu’en semaine, parfois le lundi. « On a le commerce à tenir, le dimanche matin surtout ! » Contre toute attente, mon petit voisin ne lisait pas Cœurs Vaillants – ou alors il s’en cachait rudement bien.
- Tu lis Tintin ?
- Pas du tout. Je lis Spirou. Mes parents m’en achètent tous les albums. Tu veux que je te les prête ? Tu me les rendras quand tu voudras.
Je les lui rendais régulièrement, non sans regretter, j’avoue, qu’il ne me les donnât pas.
Ses parents, ayant bien plus de fric que les miens, lui offraient des quantités assez émerveillantes de petits soldats en plomb. Dans la cour à l’arrière du fournil il jouait au général devant d’innombrables troupes disciplinées dont les « morts à la guerre » ressuscités à nouveau vivants « bons pour l’armée ».
- Il veut être policier plus tard.
C’était sa mère qui confiait ça à ma mère.
Je l’aimais bien, le fils du boulanger et j’ai plaisir à me souvenir qu’il m’aimait bien aussi.
Seulement voilà : cet enfant de mon enfance avait une sœur un peu plus âgée que lui. Une sœur sûrement la plus coquette fillette du quartier. Le voisinage nous voyait souvent nous promener à trois.
Patatras ! A l’approche des dix sept heures de je ne sais plus quel jour, peu après être sorti de l’école Voltaire qui, à ce moment là, n’accueillait pas les filles, je fus cerné par un petit groupe de petits bagarreurs habitués des berges du Canal de Berry.
- Tu vas avec lui POUR sa sœur !
Vous savez qu’il y a toujours des jaloux qui souhaitent vous faire couper la tête sous le prétexte que vous avez les pieds mieux chaussés que les leurs.
Les enfants ne sont t'enfants
qu'en présence des adultes
Ryal
18:34 Publié dans Blog, Dessin humoristique, Grenier de la BD, Montluçon, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : coeurs vaillants, souvenirs d'enfance, dimanche jour du seigneur, bd, bandes dessinées anciennes