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20/03/2022

Mémoire au-delà de l’adolescence.

 

Les Accords d’Évian datés de 1952 et célébrés politiquement hier, samedi en France, m’ont ramené en tête un incident lointain survenu pendant ma scolarité.

 

C’était dans la classe terminale de l’École Voltaire, classe qui nous présentait au Certificat d’Études Primaires.

 

- Le C.E.P. ? s’exclamait mon père. Tu vas voir qu’ils vont te le supprimer. Tous les gamins le réussissent, les notes sont magouillées puisqu’il faut ensuite réussir un C.A.P. pour être capable de mettre au carré une plaque de ferraille.

 

Pour moi encore en culotte courte, j'allais recevoir mon premier costume en pantalons longs offert pour ma communion solennelle. La classe du C.E.P. était dirigée par Monsieur Martin c.a.d. le Père Martin. Je l’aimais bien le Père Martin. Il répondait à deux emplois : directeur de l’école et instituteur donc il logeait sur place, n’ayant que la cour de récréation à traverser pour venir nous triturer la cervelle avec des histoires de baignoires percées qu’il fallait remplir à coups d’arrosoir qui ne contenait de l’eau qu’aux trois quarts de la moitié de sa contenance. N’était ce pas de la maltraitance d’enfant, ça ?

 

Un matin, je ne sais plus quel jour, le Père Martin nous informa de nos colonies, principalement celles de l’Afrique du Nord. « Nous avons conquis en 1830 l’Algérie alors dépendante de la Turquie et … Rassois toi ! Rassois toi !

 

Un des écoliers venait subitement de se dresser, criant d’une voix agressive quelque chose comme : C’est pas vrai ! Nous étions libres !

 

- Rassois toi Oudina !

 

Mais Oudina n’obéissait pas, continuant en nous provoquant : « Tous ceux qui sont là je les prends un à un et je leur casse la gueule ! ».

 

C’en était trop pour plusieurs d’entre nous et nous nous levâmes à notre tour. « Rasseyez vous tous ! Qu’est ce que ça veut dire tout ça ? » cria le Père Martin qui me parut quelque peu craindre d’être dépassé par tous ses élèves échauffés comme pour boxer.

 

OUDINA ne fit qu’un bref séjour à l’École Voltaire.

 

Larmes de cristal.jpg

 

Il m’arrivait aux heures de sortir de l’école de rentrer à mon domicile en compagnie d’Oudina. A pied bien sûr. J’habitais rue Miscailloux et jusqu’à cette rue mon chemin était le même que celui emprunté par le jeune magrébin, lequel continuait par la rue Rodin pour se rendre dans le camp construit de baraquements implantés sur l’un des côtés du terrain d’aviation de Villard, ancien champ de courses de chevaux. Contrairement à ce que j’eus parfois à lire ce camp n’était pas réservé par politique discriminatoire aux seuls arabes ou kabyles : des copains européens y vivaient aussi en famille.

 

Quelques années plus tard j’avais perdu de vue Oudina. Je ne pensais même plus à lui. Toutefois je le revis de façon inattendue aux abords de l’étang de Sault. Nous pouvions alors nous y baigner et pédaler dans un pédalo. Oudina et moi nous nous adressâmes un signe de tête et n'échangeâmes que quelques maigres paroles. Le courant ne passait plus. L'écolier était devenu un superbe jeune homme dans son étroit maillot de bain dont le triangle bleu clair semblait découpé dans un morceau de ciel. Poète que je suis.

 

Encore plus tard, alors que je revenais d’une semaine passée à Bourges, ma mère me posa une question : « Dis donc, toi, t’as bien connu un Oudina à l’école ? … Il vient d’être tué par la police. Il appartenait au FLN. »

 

Je garde quelques autres souvenirs mais aucun directement relatif aux conflits armés entre la France et certaines organisations pas forcément étrangères mais devenues ennemies de mon pays.

 

Bar Zing de Montluçon,

 

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